Moi(s) sans tabac : « Pour une fois, on ne joue pas sur la peur, la mort ou la maladie »

24/11/2016

« En novembre, on arrête ensemble. » Voilà le slogan de la campagne préventive "Moi(s) sans tabac", toujours en cours. Sous la forme d’un défi collectif, elle invite les fumeurs à abandonner la cigarette durant 30 jours. Cette initiative, première du genre en France, se démarque des campagnes anti-tabac traditionnelles. Claire Roederer, maître de conférences-HDR à l'EM Strasbourg et spécialiste du marketing expérientiel, décrypte cette nouvelle stratégie de communication.

Que pensez-vous de la stratégie de communication développée dans Moi(s) sans tabac ?

Je la trouve exemplaire et moderne. Plutôt que de délivrer un message culpabilisateur, elle encourage à arrêter de fumer de façon positive et argumentée. En ce sens, elle se rapproche du courant du nudge marketing. En anglais, un nudge est un petit coup de coude incitatif.  Cela peut, par exemple, prendre la forme d’un mot dans une chambre d’hôtel qui vous informe que si vous ne jetez pas votre serviette au sol, elle ne sera pas changée et vous ferez un geste pour la planète... Le nudge marketing entend provoquer un changement de comportement en donnant de bonnes raisons d’agir, sans pour autant faire la morale. Dans ce cas-ci, le nudge est : « Un mois sans fumer, c’est cinq fois plus de chances d’arrêter définitivement. »

En quoi cette campagne anti-tabac est-elle originale ?

Cette campagne n’est pas fondée sur le choc. Au contraire, elle développe un univers positif. Elle cherche à fédérer les fumeurs  autour d’un objectif commun. La page Facebook de la campagne regorge ainsi de slogans d’encouragements, de photos, de témoignages de participants. En utilisant la force des réseaux sociaux et en adoptant un ton résolument positif, cette campagne incite les fumeurs à entrer en action dans le cadre d’un défi collectif. C’est ludique ! Je pense que les fumeurs peuvent y être réceptifs. Pour une fois, on ne joue pas sur la peur, la mort ou la maladie.

Les messages dramatisants et moralisateurs ratent-ils leurs cibles ?

Traditionnellement, les campagnes antitabac s’appuient sur des mécanismes de persuasion liés à la peur. Or, des travaux récents* ont montré que des mécanismes de résistance aux messages préventifs peuvent se mettre en place en réponse à des campagnes culpabilisantes. L’efficacité des campagnes de prévention anti-tabac fondées sur la peur et les méfaits de la cigarette n’est donc pas clairement établie.

Comment expliquer cette résistance aux messages de prévention ?

Le marketing social ou préventif ne cherche pas à vendre un produit mais à inciter les individus à adopter des comportements bons pour eux et la société. C’est un défi difficile. D’autant plus que le public décode de plus en plus facilement les intentions persuasives des messages publicitaires. C’est ce qu’on appelle la métacognition du marché*. En clair, les consommateurs d’aujourd’hui ne sont plus aussi innocents et manipulables qu’aux premières heures du marketing.

Recueilli par Ronan Rousseau

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