Quand les casques tombent, la recherche avance

30/11/2016

Dans les bureaux de l’équipe Matériaux Multi échelle et Biomécanique du laboratoire ICube, il n’est pas rare de croiser la tête esseulée d’un mannequin de crash-test. Autour, des casques de protection en tout genre garnissent les étagères. Leur sort est déjà scellé. Tôt ou tard, ils se briseront sur l’acier d’une enclume…


Depuis une vingtaine d’années, Rémy Willinger et son équipe s’efforcent de comprendre la réponse mécanique du corps humain à un choc. « On se focalise tout particulièrement sur le système tête-cou », précise le chercheur. Le tour de force de l’équipe a été de développer un modèle numérique de la tête humaine capable de calculer les déformations osseuses de la boîte crânienne, de chiffrer le mouvement relatif cerveau-crâne et d’appréhender l’élongation des faisceaux d’axones – les prolongements de neurones qui transmettent l’influx nerveux – en cas de choc quelconque. Une expertise rare. « Dans le monde, seuls trois ou quatre autres laboratoires ont développé des modèles équivalents », révèle le responsable de l’équipe.

Prédire les blessures en cas de choc

Les chercheurs ne se sont pas contentés de caractériser puis de modéliser sur ordinateur les propriétés mécaniques du crâne et du cerveau. Mieux, ils ont confronté leur modèle à la réalité des accidents pour en faire un outil de prédiction des blessures. Dans le cadre de collaborations avec des équipes d’accidentologie françaises et étrangères, ils ont ainsi analysé près de 120 cas de traumatismes crâniens réels. « Nous avons reconstruit numériquement et le plus fidèlement possible une multitude d’accidents pour comprendre comment les têtes tapent en cas de chocs, explique Rémy Willinger. Nous avons ainsi pu montrer, qu’au moment de l’impact, en plus de la vitesse orthogonale à la structure impactée, il existe quasi systématiquement une vitesse tangentielle qui provoque une rotation de la tête. Les mouvements rotatoires que subit la tête en cas de choc sont très dangereux pour le cerveau. En lésant les fibres nerveuses, ils peuvent entrainer un coma. »

Des casques de protection efficaces ?

Problème : depuis les années 1960, la sévérité d’un choc est estimée à partir de l’accélération rectiligne d’une fausse-tête, sans tenir compte des phénomènes de rotation. Bien qu’homologués, les casques vendus sur le marché ne sont donc pas conçus pour protéger contre tous les risques de traumatismes. Face à ce constat, les biomécaniciens d’ICube ont mis au point une méthode pour évaluer l’efficacité des casques de protection dans des conditions plus réalistes. « On fixe le casque à tester sur une fausse-tête munie de capteurs linéaires et rotatoires et on le projette sur une enclume inclinée pour provoquer une rotation, décrit Rémy Willinger. On reproduit ensuite la cinématique du choc grâce à notre modèle numérique du cerveau et on calcule le risque de blessure. De cette manière, on peut dire si le casque est bon ou pas. » (Voir la vidéo ci-dessous)

Avec Nicolas Bourdet, ingénieur de recherche en biomécanique des chocs à ICube.

Faire évoluer les normes

Depuis 2003, Rémy Willinger participe à des comités chargés de faire évoluer les normes. Mais le processus est lent et difficile. En attendant leur révision, le chercheur développe avec le soutien de la Fondation MAIF un projet intitulé EuroNcasque. Son but ? Accompagner les fabricants dans le développement de leurs produits et aider les usagers à choisir le meilleur casque. L’enjeu est d’établir, sur la base de critères plus réalistes que ceux des normes actuelles, un classement des casques de motocyclistes et de cyclistes selon leur niveau de protection. Car si tous les casques proposés sur le marché respectent la norme, certains protègent mieux que d’autres…

Ronan Rousseau et Baptiste Cogitore

Des casques pour enfants dans le collimateur...

Plus d'informations

L'équipe Biomécanique alerte sur des modèles de casques vélo qui incluent des appendices ("oreilles") fixés de manière rigide. Ces casques respectent la norme EN1078 en vigueur en France mais les chercheurs les jugent dangereux en cas de choc oblique, cas le plus fréquent, qui n'est pas pris en compte dans la norme actuelle.

Pour en savoir plus :

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