Dans le Sahara, en quête de passé

12/05/2017

Le Sahara n’a pas toujours été un désert... Dans le cadre de son intervention à l’événement Pint of Science, Mathieu Schuster, géologue à l’Institut de physique du globe de Strasbourg, reviendra sur l’histoire mouvementée du Sahara, qui a alterné entre des phases humides et sèches. En avant-première, il évoque pour nous ses recherches qui le conduisent souvent dans le nord du Tchad.


« L’avantage des déserts, c’est qu’ils sont dépouillés de végétation ! » C’est en effet un sérieux atout pour Mathieu Schuster, chercheur au CNRS. Géologue, il s’est fait une spécialité de décrypter les sédiments qui affleurent au grand jour dans les étendues arides du Sahara. Une passion qu’il cultive depuis son DEA et une thèse dévolue à reconstituer les paléoenvironnements des hominidés anciens. « Grâce à l’imagerie satellite, on a une très bonne vision de ce qui est préservé et on arrive à identifier beaucoup de structures sédimentaires et géomorphologiques liées aux environnements du passé. » Un travail préalable indispensable pour cibler les futures zones à étudier sur place.

Pour qui sait les interpréter, les sédiments – des dépôts de particules issues de l’altération des roches – constituent de véritables archives. Leur étude permet en effet de reconstituer les anciens mécanismes de dépôts et les paysages aujourd’hui disparus, d’établir leur succession et de finalement comprendre l’évolution des climats du passé. « Des dépôts glaciaires vieux d’environ 440 millions d’années ont été retrouvés au cœur du Sahara, indique le sédimentologue en guise d’exemple. L'étude de ces dépôts a permis à mon collègue Jean-François Ghienne de démontrer qu'à cette époque le Sahara était recouvert par une calotte glaciaire et que cette partie de l'Afrique se situait alors au pôle sud. »

Des hominidés aux paléolacs

Pour sa part, Mathieu Schuster concentre ses travaux sur des périodes bien plus récentes où la configuration des continents était proche de leur configuration actuelle. Entre 11000 et 5000 ans environ, le Sahara était un paysage de prairies parsemées de lacs et de rivières, occupé par l’homme et une faune typique des grandes savanes africaines ; cet optimum climatique est souvent appelé le « Sahara vert ». « Au Tchad, à ce moment-là, on voit le développement d’un immense lac, appelé Méga-lac Tchad. Il couvrait 350 000 km² soit la superficie de l’Allemagne, alors qu’aujourd’hui  il ne s’étend plus que sur 10 000 km², soit à peine plus que la surface de l’Alsace. »

Depuis près d’une dizaine d’années, Mathieu Schuster s’efforce de retrouver la trace des anciens littoraux de ce Méga-lac Tchad, des plages fossiles qui se manifestent sous la forme d’un grand cordon sableux. Pour lui, ce sont des mines d’informations. « Elles nous renseignent sur l’étendue du lac à une période donnée, explique le chercheur. La position successive de ces plages fossiles permet de suivre les variations de la taille du lac au cours du temps. » En étudiant, la morphologie des accumulations de sable le long des anciennes plages, il est même possible de reconstituer les anciens régimes de vent. « On peut ainsi retracer les variations de la mousson dans le passé. »

Donner des âges

Si la cartographie générale du Méga-lac Tchad est aujourd’hui bien avancée, le défi reste de dater les différentes structures observées. C'est dans ce but qu'une collaboration avec l'université de Fribourg est en développement. « C’est fondamental pour pouvoir estimer pendant combien de temps le lac Tchad a été à son plus grand niveau et à quelle vitesse il a rétréci, fait valoir le géologue. Cela s’est-il produit progressivement ou brutalement ? Peut-on corréler ces vitesses à des changements climatiques ? » Autant de questions dont les réponses sont à extirper des sables du désert…

Ronan Rousseau

Une carotte de 700 mètres de long

Plus d'informations

Pour établir une chronologie sans discontinuité des changements climatiques en Afrique, Mathieu Schuster s’est associé à un consortium international de chercheurs dans le cadre d’un projet baptisé « CHADRILL».  Le but ? Forer une carotte longue de 700 mètres dans les sédiments du bassin du Tchad pour mettre la main sur près de 10 millions d’années d’enregistrements. « Ce serait une première mondiale qui permettrait de retracer l’évolution du climat en Afrique sur une très longue période, tout en observant des variations sur de très courtes échelles de temps, s’enthousiasme le chercheur strasbourgeois. Derrière, il y aurait au moins dix années de recherche ! ». Première réponse sur un éventuel financement : juillet 2017.

 

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