Hépatite C et cancer du foie, un lien sous surveillance

21/08/2017

Les patients souffrant ou ayant souffert d’une hépatite C chronique ont plus de risques de développer un cancer du foie. A l’Institut de recherche sur les maladies virales et hépatiques, Joachim Lupberger s’intéresse aux mécanismes encore méconnus responsables de cette plus grande susceptibilité. Des recherches soutenues par un financement IdEx Attractivité depuis 2014.

Une infection chronique par le virus de l’hépatite C (VHC) est loin d’être anodine. Elle cause des dommages durables dans le foie des patients, qui même une fois guéris, présentent un risque accru de développer un cancer dans cet organe. Pour mieux comprendre ce lien néfaste, Joachim Lupberger, chercheur allemand au parcours atypique (voir encadré), s’efforce de caractériser les voies de signalisation intracellulaires déstabilisées par le VHC. Dans sa ligne de mire : les phosphatases, des enzymes régulatrices dont le dysfonctionnement est à l’origine de nombreuses maladies humaines. Joachim Lupberger a ainsi étudié, dans des biopsies de foie de patients atteints d’une hépatite C chronique, l’expression de 86 phosphatases connues. « J’ai observé que l’expression de 29 d’entre elles étaient significativement perturbées chez ces patients. » Parmi les enzymes touchées, des phosphatases dites « suppresseurs de tumeurs » qui, en inactivant des signaux favorisant la prolifération cellulaire, préviennent le développement de cancers.

Une bourse bienvenue

Sur la base de ces résultats, Joachim Lupberger obtient un financement IdEx Attractivité en 2014 pour approfondir ses recherches. Grâce aux 100 000 euros de la bourse, il recrute un technicien mobilisé à 100% sur le projet et réhabilite un laboratoire qui n’était plus utilisé par l’unité de recherche. Un vrai coup de pouce qui lui permet de valider ses hypothèses sur une trentaine de biopsies additionnelles et d’étudier le rôle d’une phosphatase particulière appelée PTPRD. « J’ai démontré que cette enzyme n’était quasiment plus produite dans les cellules du foie infectées et dans les lésions tumorales. Or, elle inactive un signal prolifératif appelé STAT3 au pouvoir cancérigène bien connu. » Dans des études précédentes, le chercheur a montré que l’activation de cet oncogène était essentiel pour que le VHC parvienne à infecter les cellules du foie. « Notre étude suggère donc que le VHC bloque l’expression de la phosphatase PTPRD de façon à suractiver et profiter du signal STAT3 », souligne le chercheur. Ce faisant, le virus ouvre la voie à une prolifération cellulaire hors de contrôle.  Conséquence : les patients subissant cet effet présente une espérance de vie moindre.

Dans le prolongement du projet, Joachim Lupberger entend prouver que le virus supprime l’expression de PTPRD de façon permanente, même après son éradication de l’organisme. Le chercheur soupçonne l’existence d’une « empreinte épigénétique » persistante chez les patients ayant subi une hépatite chronique. En d’autres termes, une marque indélébile laissée, non pas dans le code génétique à la manière d’une mutation, mais à la surface de l’ADN. « Si on prouve son existence, ce serait une avancée majeure ! »

Ronan Rousseau

Un lauréat « Attractivité » au parcours atypique

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« Ce n’était pas mon destin de travailler sur les virus. » Du moins, pas celui que laissait présager ses études. Joachim Lupberger n’a en effet pas suivi le chemin le plus facile pour devenir chercheur et virologue. « J’ai arrêté ma scolarité à l’équivalent du collège en Allemagne, explique-t-il. J’ai ensuite réalisé un apprentissage pour devenir technicien-chimiste. » A la suite de cette formation, il travaille pendant cinq ans dans un laboratoire chargé de surveiller la qualité de l’eau du lac de Constance, non loin de son village natal, Ravensburg. « Cela me plaisait mais mon patron m’a conseillé de reprendre mes études. Il pensait que j’avais le potentiel pour aller plus loin. » Bien qu’il ne possède pas l’Abitur, Joachim Lupberger parvient à intégrer une filière de biotechnologie et décroche un diplôme d’ingénieur quatre ans plus tard. C’est à l’occasion d’un stage en microbiologie au MIT de Boston qu’il se frotte pour la première fois au monde de la recherche. « Il s’agissait d’optimiser la production de plastiques biodégradables produits par des bactéries. Ces plastiques sont utilisés par exemple comme fil de suture en chirurgie. » Il découvre qu’en supprimant un gène particulier, les bactéries se mettent à produire davantage de polymères et publie son premier article scientifique sur la base de ce résultat. « J’étais très fier », se souvient-il. Piqué par le virus de la recherche, il réalise un doctorat sur la virologie de l’hépatite B à l’Université de Humboldt à Berlin puis rejoint l’équipe de Thomas Baumert à Strasbourg en 2007. Il s’intéresse alors au virus de l’hépatite C et identifie des voies de signalisation importantes pour son entrée dans les cellules. Depuis 2013, il est chargé de recherche à l’Inserm.

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