Agisme, une forme de discrimination méconnue qui touche les personnes âgées

11/06/2018

Le racisme et le sexisme font l’objet de multiples études. Valérian Boudjemadi, maitre de conférences en psychologie sociale, s’est intéressé à une forme de discrimination moins connue : l’âgisme. Le chercheur et son équipe souhaitent mettre en avant cette problématique à travers la publication chaque mois d’un article dans la presse non spécialisée, une façon de tenter de changer le regard que la société porte sur ses anciens.

Tous les mois, Valérian Boudjemadi, chercheur au laboratoire de psychologie des cognitions, a décidé de proposer un article à la presse non spécialisée en collaboration avec Charles Dauman, directeur général de l’entreprise DomusVi aide et soins à domicile. Le tout, autour de différents sujets sur les personnes âgées en rapport avec l’actualité. Un premier article est paru en mai dans LaTribune.fr. Objectif : mettre en lumière l’âgisme, phénomène qu’il étudie depuis son master en 2005. Agisme ? « C’est tout ce qui renvoie aux stéréotypes, aux préjugés, aux discriminations vis-à-vis des personnes âgées. » 

Les personnes âgées créent une forme d’angoisse existentielle

Un thème méconnu, qu’il est l’un des premiers à étudier en France. « Des chercheurs américains ont fait de la veille sur le sujet, ils ont trouvé 10 fois moins de publications sur l’âgisme que sur le racisme alors même que c’est le phénomène le plus ressenti par les individus », souligne le maitre de conférences qui travaille en collaboration avec des chercheurs du Canada, de Belgique, du Gabon, ou de Suisse. Pour son étude, Valérian Boudjemadi s’est placé dans une perspective de recherche fondamentale et après un travail de compilation et de validation des écrits existants, il commence à investir le terrain en association notamment avec des maisons de retraite. « Mon objectif est de comprendre l’origine du processus, son développement et voir comment le combattre. »

Premier constat : le phénomène trouve son origine dans les moments clés de l’histoire qui ont amené à la perte de certains rôles sociaux des personnes âgées comme celui d’être le détenteur de la mémoire collective. Depuis la révolution industrielle qui valorise la force, la rapidité et la mobilité, la structure même de la société a changé. Perçues comme moins utiles et moins compétentes, les personnes âgées qui ne participent plus au fonctionnement économique sont mises à la marge. Autre cause plus profonde, qui relève de la psychologie : « Les personnes âgées nous rappellent qu’un jour nous allons mourir et créent donc une forme d’angoisse existentielle. »

« Eduquer nos jeunes à respecter nos ainés »

Dans notre société, l’âgisme se retrouve à tous les niveaux, personnel comme institutionnel, et peut se manifester de plusieurs manières, avec l’utilisation d’un langage infantilisant dans les institutions soignantes par exemple ou le refus du droit d’effectuer certaines tâches. « Il y a une forme de mépris, d’évitement. » Un phénomène qui finit par impacter la dignité de ces personnes et leur espérance de vie.

Une image négative que Valérian Boudjemadi tente de déconstruire afin de faire émerger une vision plus positive du vieillissement. « Même si elles sont moins productives, les personnes âgées sont utiles, elles peuvent notamment participer à l’éducation », souligne le chercheur qui prône l’interaction avec nos anciens. En 2060 un tiers de la population sera âgée de plus de 60 ans contre seulement un quart aujourd’hui. « Les personnes les plus pessimistes pensent que des tensions entre générations vont émerger. » La solution : « Il faut éduquer nos jeunes à respecter nos ainés ! », conclut le chercheur qui aimerait à terme monter un groupe d’intérêt scientifique pour travailler de manière interdisciplinaire sur le sujet.

Marion Riegert

A partir de quel âge parle-t-on de « personne âgée » ?

Good to know

L’âge à partir duquel une personne est dite âgée est difficile à déterminer. « Dans les études de l’Insee on considère que c’est à partir du passage à la retraite. Mais cette conception est très subjective et varie d’un pays à l’autre. En France, c’est aux alentours de 61, 62 ans. Chez les travailleurs, les personnes sont considérées comme âgées à partir de 45 ans mais pour des secteurs de pointe dans les nouvelles technologies par exemple ça peut descendre à 30 ans… C’est une frontière presque personnelle et très culturelle », souligne Valérian Boudjemadi.

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