Joseph Moran : « La science est aussi créative que l’art »

11/09/2018

Joseph Moran, directeur du laboratoire de catalyse chimique de l’Institut de sciences et d’ingénierie supramoléculaire (Isis), est le premier chercheur travaillant en France à figurer parmi les 12 jeunes personnalités de l’année sélectionnées par le magazine américain Chemical & Engineering News de l’American Chemical Society. Une reconnaissance qui lui donne de la visibilité dans le monde de la chimie. Portrait d’un passionné.

Lors de ses études secondaires rien ne prédestine Joseph Moran à se tourner vers le monde scientifique. Attiré par le théâtre et la musique, le jeune homme d’alors passe son temps libre à jouer avec son groupe de rock dans les bars. Bon élève, il décide de s’orienter vers des études de médecine, « un métier bien payé et respectable » selon ses parents.

Durant ses études à l’université d’Ottawa, Joseph Moran profite d’un programme canadien permettant à des jeunes de travailler dans un laboratoire scientifique durant l’été en étant rémunérés. Le monde de la recherche s’ouvre à lui, c’est le déclic. En 2002, quelques mois après le 11 septembre, son professeur souhaite monter un laboratoire aux Etats-Unis mais ne parvient pas à obtenir de visa pour ses post-doctorant d’origine étrangère. Ce sera Joseph Moran, alors en licence, qui l’accompagnera. « C’était la première fois que je prenais l’avion nous sommes allés à Santa Barbara en Californie puis à Stanford. »

Vers la chimie organique

L’année suivante, il profite à nouveau du programme et s’oriente vers un laboratoire de chimie organique. « J’aime l’aspect médical, savoir pourquoi la vie choisit telle molécule, c’est là qu’a commencé mon intérêt pour les origines de la vie. » Après sa thèse, Joseph Moran officie 6 mois dans un laboratoire de chimie biologique avant d’obtenir un post-doctorat à l’université du Texas où il s’intéresse à la catalyse des métaux. A l’issue de sa recherche, son directeur de post-doctorat qui avait étudié avec Jean-Marie Lehn, lui apprend que ce dernier recherche un « junior leader group » à l’Isis.

« La décision n’a pas été facile, le système académique français est très différent de celui des autres pays et l’obtention de financements est complexe. » Finalement, Joseph Moran se lance et débarque à Strasbourg en septembre 2012. « Avec le recul, j’ai fait le bon choix », glisse le chercheur qui apprécie le système européen. Aujourd’hui âgé de 36 ans, Joseph Moran est à la tête d’une équipe de 11 personnes. Depuis septembre, il a obtenu le grade de professeur. « J’aime la découverte, il y des choses qu’on ne sait pas et d’autres qu’on ne sait pas qu’on ne sait pas, c’est très stimulant », sourit le chercheur qui travaille actuellement sur l’origine de la vie, un champ novateur et peu exploré.

Des soirées karaoké

Joseph Moran n’a pas pour autant délaissé sa passion pour la musique. Pour preuve, un amplificateur de guitare trônant dans un coin de son bureau. « J’organise des soirées karaoké au 6e étage, ça permet de créer des relations entre l’équipe ! » Pour lui, l’art et la science ne sont pas indissociables bien au contraire. « La science est aussi créative que l’art. Pour créer de nouvelles chansons, il faut de la motivation et du talent, l’envie d’aller vers l’inconnu, c’est la même chose en sciences ! »

Ne manquant pas d’humour, le jeune homme aime rappeler à ses étudiants une phrase de Max Planck : « Science makes progress funeral by funeral. »1 « C’est l’idée que parfois les anciens empêchent les jeunes d’avancer. Qu’on le veuille ou non, forcément en entrant dans un domaine on entre en conflit avec d’autres personnes juste par notre existence. » Ce qui n’empêche pas le chercheur d’être un éternel optimiste. Sa devise, placardée sur la porte de son bureau : « Success is walking from failure to failure with no loss of enthusiasm. »2 « C’est important dans un laboratoire car 90% des expériences ne vont pas marcher mais ce sont les 10% qui fonctionnent qui sont intéressantes. »

Marion Riegert

1 La science avance de funérailles en funérailles 2 Le succès c'est être capable d'enchaîner les échecs sans perdre de sa motivation

Chemical and Engineering News en bref

Good to know

Le magazine Chemical and Engineering News (C&en) est détenu par l’American Chemical Society. Fondée en 1876 elle compte parmi les sociétés scientifiques les plus grandes au monde. « Depuis 2015, le magazine met chaque année en avant 12 personnes âgées de moins de 40 ans qui ont des idées, du potentiel à changer leur domaine », explique Joseph Moran qui a reçu un chèque de 2 000$ lors de deux jours de cérémonies organisées en présence de prix Nobel américains, les 19 et 20 août derniers. Cette reconnaissance lui permet de faire connaitre ses travaux sur les origines de la vie aux chimistes et ainsi gagner en visibilité. « Depuis ma nomination, j’ai une centaine d’abonnés en plus sur twitter », se réjouit le chercheur.

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