Cellules éthiques de soutien : « Guider les personnes sur le terrain »

23/04/2020

[Série] Regards croisés de chercheurs sur le Covid-19 : éthique. Professeur honoraire de médecine intensive et réanimation ayant notamment travaillé sur les questions de fin de vie, Michel Hasselmann dirige la cellule éthique de soutien d’Alsace. Créée le 19 mars dernier, son but est d’apporter un éclairage sur les dilemmes et questionnements rencontrés par les soignants, les personnels administratifs et les familles dans le cadre de l’épidémie de Covid-19.

Pouvez-vous définir l’éthique clinique ?

« L’éthique clinique se situe du côté de l’opérationnel. Ce n’est pas une question de morale, de bien ou de mal. Elle vise à trouver ce qui est bon pour un groupe donné confronté à un conflit de valeurs contradictoires de même importance. Par exemple, en Ehpad, les règles d’isolement pour la non-diffusion de la maladie se heurtent à la solitude des personnes. Le raisonnement, la délibération, l’écoute, le décryptage de la situation, doivent s’appliquer à la singularité du cas. »

Parlez-nous des cellules éthiques de soutien, qui les compose ?

« Suite à la saisine du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) par le ministre des Solidarités et de la santé, les Espaces de réflexion éthique régionaux ont mis en place des cellules éthiques de soutien. L’Espace de réflexion éthique Grand Est (EREGE) a installé trois cellules qui travaillent ensemble : en Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, opérationnelles depuis le 19 mars. Chacune est composée de 10 à 15 personnes, médecins, soignants, psychologues, philosophes, juristes… dont plusieurs contribuent déjà aux travaux de l’EREGE. »

A qui s’adressent-elles ?

« Ces cellules peuvent être saisies par les soignants, les médecins, les administratifs des établissements, mais aussi par les familles. Nous n’intervenons pas dans les gros hôpitaux qui ont leurs propres cellules éthiques mais dans les hôpitaux de plus petite taille, les Ehpad, les établissements accueillant des personnes en situation de handicap ou des services de soins à domicile. Les problèmes soulevés sont variés : impossibilité pour une famille de fêter l’anniversaire d’un parent très âgé en Ehpad ; fermer ou non à clé la porte d’une chambre d’un patient en hôpital psychiatrique pour qu’il ne soit pas contaminé ; questionnement de personnes en situation de handicap à propos de leur prise en charge en cas de maladie avec la crainte de ne pas être traitées comme tout le monde. »

Comment ça fonctionne ?

« Un document informant de la création de ces cellules a été adressé aux établissements sanitaires et médico-sociaux du Grand Est, soit plus de 2 500 courriels. Chaque jour, avec les directeurs des sites d’appui de Nancy et Reims et la coordonnatrice des cellules du Grand Est, nous faisons le point et regardons à quelles personnes du groupe nous allons soumettre les saisines, qui nous sont adressées par mail. Pour les questions singulières une téléconférence est organisée. En présence du ou des rédacteurs de la saisine, elle permet de procéder à une délibération éthique prenant en compte les problématiques, les valeurs en jeu, les solutions envisageables… Nous avons eu pour le moment 30 demandes. »

Quel rôle pour ces cellules ?

« Nous ne sommes pas juges de paix, mais là pour faire réfléchir et guider les personnes sur le terrain, apporter des éclairages, des informations pratiques qu’elles ne connaissent pas forcément. Une de nos missions est aussi d’être un observatoire des pratiques éthiques dans le domaine de la santé. Les questions posées anonymisées, sont remontées au CCNE et à la Direction générale de l'offre de soins (DGOS). Cette veille est importante. Par exemple, les cellules éthiques de soutien de toutes les régions françaises ont fait remonter auprès de la DGOS la violence provoquée sur le terrain par le décret du 1er avril 2020 qui obligeait la mise en bière immédiate des défunts et la fermeture du cercueil sans présentation du corps à la famille. Cette remontée a participé à faire évoluer les règles et à les assouplir. Les données recueillies sont une véritable mine d’informations qu’il faudra à terme analyser, pourquoi pas dans des travaux de thèse ou en les confiant à des post-doctorants comme l’EREGE l’a déjà fait sur d’autres sujets. Nous avons affaire à des questions graves, face auxquelles il faut rester humble et faire comprendre que nous sommes dans le domaine de la complexité. »

Propos recueillis par Marion Riegert

  • Pour toute question sur le fonctionnement des cellules éthiques de soutien : 06 75 65 89 34 ou hgebel@unistra.fr, les jours ouvrés de 8h à 20h.

Regards croisés de chercheurs sur le Covid-19

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