Des polymères inscriptibles, lisibles et effaçables

23/09/2019

Série 10 ans de recherche épisode 8. Interviewé dans le magazine Savoir(s) en février 2016, Jean-François Lutz, à la tête de l’équipe Chimie macromoléculaire de précision à l’Institut Charles Sadron, évoquait le stockage de données sur des polymères synthétiques. En trois ans, le projet a bien évolué, avec une nouvelle publication parue dans Nature communications et une technologie en passe d’être industrialisée.

Interrogé en 2016 dans le magazine Savoir(s), Jean-François Lutz évoquait la synthèse contrôlée de polymères synthétiques. « C’est une chaîne formée avec deux monomères, pouvant être agencés en une séquence précise. Nous avons créé un langage moléculaire, c’est-à-dire qu’à chaque monomère est attribué un 0 ou un 1*.  Comme dans le système binaire informatique », explique le chimiste de l'Institut Charles Sadron.

Une technologie permettant de créer, entre autres, un code barre inviolable pour identifier l’origine de produits. Elle intéressait notamment les industries des secteurs touchés par la contrefaçon.

Vers une pré-industrialisation

Trois ans après, ce passage vers l’industrie est sur le point de se concrétiser.  « Nous sommes très proches d’une exploitation de licence avec Polysecure. Cette entreprise basée à Fribourg élabore et propose des solutions anti contrefaçon pour différentes industries, comme celles vendant des produits de luxe, ou pour tracer les billets de banques », souligne Jean-François Lutz.

« En 5 ans, notre projet est passé de la recherche fondamentale à une pré-industrialisation, ce qui est très court », se réjouit le chercheur. Souvent, des décennies sont nécessaires pour qu’une technologie soit mise sur le marché. « Cela montre que nos molécules ouvrent des portes, génèrent de nouvelles idées. »

« Un polymère pour agent secret

Des idées, Jean-François Lutz et son équipe en ont encore développées. Ils ont récemment réussi à rendre leurs polymères photosensibles. Sous l’action de la lumière, ces macromolécules peuvent par exemple révéler un message caché, comme s’il était écrit avec une encre invisible. « C’est un polymère pour agent secret », sourit le chercheur. Il est également possible de rendre le message complètement illisible en l’effaçant. « Mais pas d’en réécrire un dessus par la suite », précise-t-il. « Nous avons aussi transformé le cuivre en or, comme les alchimistes », s’amuse le spécialiste en chimie des polymères. « Pas au sens littéral, mais en changeant le symbole chimique « Cu » du cuivre, stocké en langage binaire sur le polymère déjà formé, en celui de l’or « Au ». »

Si l’industrialisation de ces polymères est en passe de se faire, leur utilisation dans le milieu biomédical, notamment pour vérifier la traçabilité d’implants biologiques, demandera plus de temps. « Il faudrait pour cela quelques années pour réaliser des tests poussés de toxicité de nos composés. », précise Jean-François Lutz. Quant à l’utilisation de cette technologie pour créer de nouveaux types de supports pour le stockage de données, il faudra probablement attendre encore quelques décennies.

Vanessa Narbonne

*Pour rappel : en langage informatique, chaque caractère est codé par une série de huit chiffres composée de 0 et 1.

10 ans de recherche à l’Université de Strasbourg

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L’Université de Strasbourg fête ses 10 ans. L’occasion de partir à la rencontre des chercheurs et ainsi mettre en lumière chaque mois une recherche ayant eu lieu entre 2009 et 2019. Voir comment ces dernières ont évolué à travers le temps débouchant parfois sur des impasses ou donnant lieu à de nouvelles découvertes. Retrouvez tous les articles de la série sur notre timeline.

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