Agressions sexuelles sur mineurs par des cadres religieux, le rôle du droit canonique

02/12/2019

Dans quelle mesure le droit canonique a-t-il accompagné un certain nombre de dérives ? C’est entre autres à cette question que va tenter de répondre le colloque « Agressions sexuelles sur mineurs par des cadres religieux » organisé par l’unité mixte de recherche Droit, religion, entreprise et société (Dres). Et ce par le biais d’une approche historique et comparatiste avec d’autres religions. Tour d’horizon de trois présentations.

L’Eglise une société parfaite. Les effets conscients ou inconscients des avatars du privilège du for

Jusqu’au milieu du 20e siècle, l’Eglise catholique se voit comme une société à part entière, complète et parfaite, au même titre que l’Etat. Parmi les droits revendiqués figure le privilège du for qui lui permet de juger elle-même les crimes commis par les clercs. « Un droit qui s’appliquait notamment en Italie et en Espagne mais non en France où les tribunaux ecclésiastiques ne sont plus reconnus depuis la Révolution », précise Francis Messner, chercheur au sein de l’unité mixte de recherche Dres.

Cette « autonomie » a facilité une gestion erratique des dossiers. « L’Eglise a le souci de protéger les accusés et ne distingue pas toujours les notions de péché et de crime en insistant sur l’amendement spirituel de l’agresseur. »

Depuis les années 70/80, les jugements par les tribunaux ecclésiastiques ne sont plus de mise. Pourtant, l’Eglise a eu tendance jusqu’à une période récente à vouloir gérer elle-même les affaires d’agressions sexuelles sur mineurs avant de renoncer à cette posture.

Péché ou crime. Les évolutions de la théologie morale

« L’Église est très concernée par les cas d'abus sexuels, mais elle a aussi fait un travail avant-gardiste dans les signalements par rapport à d’autres milieux comme le showbiz ou l’Education nationale », souligne Marie-Jo Thiel qui s’est intéressée à la question dans un ouvrage intitulé « L’Église catholique face aux abus sexuels sur mineurs » (Bayard, 2019).

Dès 1998, elle attire l’attention de l’épiscopat en écrivant un article sur les prêtres abuseurs. En 2000, la conférence épiscopale publie une déclaration puis un fascicule « lutter contre la pédophilie » en 2002. « Mais les cas anciens ne sont pas pris en compte. Longtemps, l’Église a parlé seulement de péché évitant ainsi de prendre en compte la place des victimes et la profondeur de leur traumatisme. Or près d’un abuseur sur deux a été un enfant abusé », poursuit la chercheuse au Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique (CEERE) et professeure à la faculté de théologie catholique.

C’est sous l’impulsion du Pape François que les victimes sont enfin accueillies par les évêques français en 2018. Plus encore, « le Pontife romain conjoint dans tous ses textes sur le sujet le péché et le crime : une manière de dire qu’il faut aussi traiter la question sur le plan pénal avec la justice du pays. »

Traitement des agressions sexuelles sur mineurs par les églises protestantes

Depuis plusieurs années, les protestants en France et en Allemagne étudient cette question. Outre-Rhin l'Evangelische Kirche in Deutschland (EKD) en discute vivement et propose un nombre important d’informations et d'aides en ligne. Il y a deux semaines, le synode général de la EKD a évoqué la question à Dresde.

« Le débat se concentre sur trois sujets :  l’intervention lors d’un cas concret, l’aide pour une personne qui a été victime d’un abus sexuel dans le passé et le travail de prévention dans les paroisses et institutions ecclésiales », détaille Karsten Lehmkühler. Le chercheur au sein de l'équipe d'accueil 4378 (Théologie protestante) ajoute que concernant l’intervention, l’EKD a créé un bureau d’accueil et a également défini une procédure à suivre lorsqu’il y a un soupçon d’abus sexuel.

Les aides proposées concernent l’accompagnement psychologique et juridique, mais aussi pastoral. Une brochure spécifique s’adresse d’ailleurs aux paroisses concernées. « La prévention se réalise par une analyse concrète des situations à risque éventuel comme la chorale de la paroisse et des cours d’instrument musical, l’école du dimanche, l’aide aux devoirs scolaires, les colonies de vacances… Elle inclue également un concept d’éducation sexuelle qui thématise le respect des limites intimes et qui encourage la capacité à « pouvoir dire non ».»

Marion Riegert

  • Rendez-vous les 3 et 4 décembre, salle Pasteur, Palais universitaire, 9 place de l’Université. Tout le programme.

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