Epidémie de Covid-19, quel impact psychologique ?

25/06/2020

[Série] Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19 : psychologie. Stress au travail, perception du risque, sentiment d’humanité personnelle… Différents projets en lien avec la Covid-19 ont vu le jour au sein du Laboratoire de psychologie des cognitions de l’Université de Strasbourg. Rencontre avec trois chercheurs.

La thérapie par vidéo, un outil pour réduire le stress au travail ?

Le projet REST (Réduire le stress au travail) est né d’un besoin. « Grâce à des retours de Chine sur les conséquences de l’épidémie sur les soignants et notamment leur santé mentale, nous savions que 50% d’entre eux pouvaient développer des troubles du sommeil, du stress post-traumatique… », détaille Luisa Weiner qui précise qu’une thérapie figée ne peut être envisagée. « Il faut tenir compte des contraintes liées à la situation et au métier de soignant : horaires décalés, emploi du temps chargé, risque de transmission… »

Pour prévenir ces troubles en diminuant le stress et en augmentant la résilience des soignants, l’option numérique est retenue. Sept vidéos de thérapie comportementale et cognitive à visionner tous les trois jours sont élaborées en collaboration avec le Hacking health camp pour la partie technique et le service de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Mécanique du stress, utilisation de la pleine conscience pour prendre de la distance, acceptation et engagement, donner du sens à son expérience, l’auto-compassion… Une thématique est proposée par vidéo de 20 minutes avec des exercices à pratiquer. Un défi, « car d’ordinaire ces thérapies s’effectuent en face à face. »

Pour évaluer l’efficacité de ce programme, deux groupes de 60 personnes sont mis en place. L’un, expérimental, visionne les vidéos, l’autre, dit de contrôle, dispose de brochures. Une hotline est également mise à disposition des participants. « Ils vont commencer à visualiser les vidéos cette semaine. Des évaluations seront effectuées à 3 et 6 mois après la fin de la thérapie », détaille Luisa Weiner qui précise que six hôpitaux du Grand Est participent à l’étude.

La perception du risque associé au coronavirus : tous d'accord ?

Nucléaire, nanotechnologies, réchauffement climatique… Bruno Chauvin s’intéresse à la question du risque. « J’essaye de comprendre pourquoi une même technologie, activité, ou situation est perçue comme risquée par certains individus mais pas par d'autres. Mes travaux ont déjà montré que la perception des risques dépend d'un certain nombre de facteurs personnels, comme la personnalité, ou encore les valeurs socio-culturelles auxquelles chacun adhère et souhaite défendre. Par exemple, les individus adeptes d'une vision égalitaire du monde trouvent la technologie nucléaire risquée du fait notamment de sa catastrophicité potentielle pour l'environnement et les êtres humains, particulièrement les plus fragiles, là où d'autres – se fiant davantage aux experts et autorités de régulation – vont y voir une source de bénéfices plus que de risques. »

Dans le cadre de l’épidémie, le chercheur décide d’intégrer le coronavirus dans ses recherches afin de voir comment il se positionne par rapport aux autres risques. « Comment les citoyens l'évaluent-ils, à la fois en termes d'ampleur mais aussi de peur ressentie, de manque de contrôle perçu, de défaut de connaissance scientifique... ? Comment ces dimensions sont considérées au regard des valeurs auxquelles les individus adhèrent ? » Pour ce faire, près de 900 personnes âgées de 16 à 77 ans répondent fin mars à un questionnaire de 60 questions. « Nous sommes en train de les traiter. Une hypothèse forte est que la prépondérance des dimensions du risque n'est pas la même en fonction des valeurs des individus. »

Le confinement a-t-il eu un impact sur le sentiment d'humanité personnelle ?

Valérian Boudjemadi, enseignant-chercheur, Luc Vieira, doctorant, et Lucas Barrot, étudiant en master 2 recherche, s’intéressent à l’impact du confinement sur la perception qu'ont les individus d'eux-mêmes en tant qu'être humain. Et si impact il y a, s’il peut être expliqué par une réduction de la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux. « Cet état de contrainte pourrait détériorer la satisfaction de ces besoins, générant un processus d'auto-déshumanisation », explique Valérian Boudjemadi qui précise qu’il en existe trois : le besoin d’autonomie, avoir le sentiment que nos comportements sont émis par choix. Le besoin de compétence, se sentir efficace et le besoin d’appartenance, être connecté aux autres.

Pour cette étude, un questionnaire d’une trentaine de questions est diffusé sur les réseaux début mai pendant le confinement, puis après le déconfinement, fin mai. 180 questionnaires sont collectés par session pour des personnes âgées de 17 à 64 ans.

Les données sont en cours de traitement et pourraient « amorcer d'autres travaux sur les effets d'une situation de confinement », souligne le chercheur. « Ce qu’il en ressort déjà, c’est que les contraintes dues à ce dernier ont impacté le besoin d’autonomie qui a été moins satisfait », souligne Lucas Barrot. « Les besoins de compétence et d’appartenance n’ont a priori pas été impactés, surement grâce aux réseaux sociaux », conclut Valérian Boudjemadi.

Marion Riegert

Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19

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Psychologie, éthique, économie, histoire, virologie… nous sommes partis à la rencontre de chercheurs de différents domaines de l’Université de Strasbourg pour apporter un éclairage sur la crise du coronavirus.

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